Covid long - Processus de contestation et de stabilisation d’une pathologie émergente
Alexandra Soulier
Covid long - Processus de contestation et de stabilisation d’une pathologie émergente
Janvier 2024 à décembre 2026
Partenaires : CERMES3, ISJPS, Université des patients
Axes : biologie, médecine, écologie
Au printemps 2020, un nombre croissant d’individus ayant connu un épisode de Covid-19 avéré ou présumé constatent qu'ils continuent à avoir des symptômes invalidants, variables et persistants. À la différence des séquelles d’hospitalisation observées chez des personnes âgées et/ou avec comorbidités, ces conséquences d’un Covid parfois « peu sévère » ne sont pas systématiquement prises en compte en milieu médical. Certain.es malades s’organisent alors sur les réseaux sociaux pour former des groupes de parole, partager leur expérience et faire reconnaître leur souffrance.
La contribution des activistes à la description de la nouvelle condition, que l’on nomme désormais Covid long est reconnue par les experts (Callard & Perego 2021). En septembre 2021, l’OMS en propose une définition restrictive fondée sur l’exclusion d’explication alternative aux symptômes observés, qui a pour conséquence d’écarter certains malades des enquêtes (Al-Aly 2021). En France, des critères de diagnostic et de prise en charge de la nouvelle pathologie sont proposés par la Haute Autorité de Santé (MailScanner has detected definite fraud in the website at "urlz.fr". Do not trust this website: https://urlz.fr/gGGO) et le Haut Conseil de la Santé publique (MailScanner has detected definite fraud in the website at "urlz.fr". Do not trust this website: https://urlz.fr/gGGS). Mais malgré un nombre important de recherches scientifiques sur les manifestations biologiques du Covid long (Davis et al. 2023) il n’y a toujours pas de tests diagnostiques pour cette condition, ni de définition consensuelle (Editorial Lancet, 2023) face aux visions divergentes concernant les séquelles d’une infection virale, la variabilité des symptômes observés et l’absence d’accord sur les mécanismes biologiques impliqués, le Covid long reste à ce jour « incompris ».
Notre hypothèse est que les obstacles à la reconnaissance de la maladie par les autorités médicales reflètent dans une large mesure une difficulté de la médecine scientifique contemporaine à identifier et à stabiliser des « maladies fonctionnelles», fondées essentiellement sur les symptômes et la parole des malades plutôt que sur les résultats de tests diagnostiques (Cambrosio, Keating, Schlich & Weisz 2006). De nombreux acteurs attirent l’attention sur les caractéristiques que le "Covid long" partage avec d’autres pathologies chroniques « fonctionnelles » mal définies et qui affectent majoritairement des femmes entre 30 et 50 ans : le syndrome de fatigue chronique/encéphalomyélite myalgique, les fibromyalgies, la dysautonomie, le syndrome de tachycardie posturale, la maladie de Lyme chronique, ou le syndrome d'activation mastocytaire. Souvent perçues par les médecins comme « psychosomatiques » et minorées (Aronowitz; Cathebras), ces affections constituent un terrain contesté, que notre recherche propose d’analyser afin de contribuer à en améliorer la reconnaissance.
L’équipe LONGCOV articulera les approches historiques, épistémologiques, sociologiques, juridiques et éthiques pour examiner le statut et l’évolution de cette entité nosologique et les conflits que sa reconnaissance suscite entre groupes d’acteurs. Nous chercherons à caractériser comment l’affection de Covid long est actuellement prise en compte sur différents terrains tels que les consultations dédiées, les associations de patients, les cohortes épidémiologiques et les institutions de sécurité sociale et de la santé au travail. Ce travail permettra d'établir les différentes « ontologies » (Mol 2002) du Covid long, selon la façon dont il est défini, traité, reconnu, vécu et décrit par différents récits expérientiels.
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- Objectif 1 : Documenter et analyser la trajectoire d’une maladie émergente, dans un contexte d’incertitude (Murphy 2006), en s’appuyant sur des enquêtes qualitatives, des témoins et des co-chercheurs (patients-experts).
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- Objectif 2 : Dégager les critères actuellement divergents de caractérisation, de définition et de classification du Covid long, dans un contexte de stigmatisation des maladies fonctionnelles (Byrne 2022).
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- Objectif 3 : Étudier en quoi la mobilisation croissante des associations permet de changer le regard sur l’ensemble des conditions fonctionnelles et chroniques, difficiles à classer dans un système fondé sur la « tyrannie du diagnostic » (Rosenberg 2002).
La question de la stabilisation de l'entité Covid long est à la fois conceptuelle et éthique. La prise en charge des malades pâtit en effet quand une condition pathologique ne possède pas de frontières symptomatologiques bien définies, qu’elle ne repose pas sur des tests fiables, et que la compassion et le souci de l’autre (care) rencontrent résistance et scepticisme. LONGCOV est un projet de recherche important pour la reconnaissance des conditions post-virales futures.
Conduit par une équipe pluridisciplinaire et en s’appuyant sur un dispositif innovant qui associera des patients-experts, formés à l’occasion de ce projet et en concertation avec l’Université des patients, à toutes les étapes de la recherche, LONGCOV permettra de poser des questions épistémologiques, sociologiques et historiques fondamentales et nécessaires sur l'évolution de la médecine contemporaine, en impliquant les patients.