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Colloque

La dépression est-elle encore un trouble de l'humeur ?

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
IHPST

Organisé par

Astrid Chevance, Psychiatre, Docteure en santé public
Christophe Gauld, Psychiatre, Doctorant en philosophie de la médecine
Elodie Boissard, Doctorante en philosophie des sciences

Le colloque se tiendra en visioconférence le 24 juin prochain, un événement de l'université Paris 1 et de l'institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques.

Une approche croisée en philosophie des sciences, philosophie des émotions, psychologie, sociologie et psychiatrie, permettra aux intervenants, chercheurs et cliniciens, de s'interroger sur la notion d'humeur en lien avec la catégorie clinique de la dépression.

Jerome Wakefield, professeur d'Université
Steeves Demazeux, maître de Conférence en philosophie
Samuel Lépine, maître de Conférence en philosophie morale et politique
Julien Bernard, maître de Conférences en sociologie
Céline Baeyens, professeur en Psychologie Clinique, directrice de la Structure Fédérative de Recherche Santé et Société
Fabien Vinckier, maître de Conférence en psychiatre

Contact : Elodie.Boissard@univ-paris1.fr

 

Programme

9h00 -  9h05
Mot d'ouverture

9h05 - 9h30
Élodie Boissard, Doctorante en philosophie des émotions et philosophie de la psychiatrie

La tristesse et les deux visages de la dépression
Dans les enquêtes épidémiologiques de santé publique, la dépression est aujourd’hui vue comme une maladie avec deux symptômes centraux, la tristesse et la perte d’intérêt et de plaisir. La « tristesse » est l’"humeur dépressive" ou "humeur triste" du DSM, pourtant elle n’est pas toujours présente, de nombreuses dépressions étant dominées par la perte d’intérêt et de plaisir. La dépression a-t-elle deux visages, dont un seul, marqué par la tristesse, lui vaudrait encore d’être un trouble de l’humeur ? Cela semble en porte-à- faux avec la clinique, où l’épisode dépressif reste un épisode « thymique » diagnostiqué par la présence d’une "humeur dépressive" ou "humeur basse", sur laquelle portent aussi bien les stratégies thérapeutiques que les recherches étiopathogéniques. Mais s’agit-il donc de la même humeur ? Je défendrai l’idée que "l’humeur dépressive" peut désigner deux réalités historiquement liées mais bien distinctes, l’humeur triste d’une part et l’humeur basse d’autre part, dont la différence peut être pensée grâce à la distinction philosophique entre émotion et humeur : la tristesse serait alors une émotion susceptible d’être pathologique mais non de définir la dépression, contrairement à l’humeur basse.

9h40 - 10h10
Steeves Demazeux, Maître de Conférence en philosophie, Université Bordeaux Montaigne
De quelques troubles (conceptuels) autour de la "dépression" et de l’"humeur"

Si le tableau clinique de la dépression est familier et plutôt facile à identifier, la définition conceptuelle de la dépression a fait – et continue de faire – l’objet de débats entre cliniciens : la dépression est-elle à concevoir comme un trouble de l’humeur (et si oui de quelle humeur ?), des émotions (et de quelle ou de quelles émotions ?), des passions, des sentiments, des affects, du tempérament, etc. ? Tous ces termes renvoient-ils à des choses différentes ou sont-ils à comprendre comme de simples synonymes ? Dans cette présentation, je me focaliserai sur le concept d’humeur, en retraçant rapidement l’histoire du concept et en m’appuyant sur certains éléments d’analyse qu’on peut trouver dans la philosophie contemporaine, pour tenter d’éclairer les enjeux épistémologiques et cliniques derrière cette question de clarification conceptuelle.

10h30 - 11h00
Céline Baeyens, Professeur d'Université en psychologie clinique, Université Grenoble-Alpes, Directrice de la Structure
Fédérative de Recherche Santé et Société

11h20 - 11h50
Fabien Vinckier, Professeur de psychiatre, Université de Paris, France

Modéliser l’humeur ?
Les événements de vie impactent l’humeur qui en retour modifie notre perception de ces événements et nos prises de décision. Si ces phénomènes sont connus de longue date en psychologie comme en clinique, ce n’est que récemment qu’une formalisation des mécanismes les sous-tendant a été proposée, notamment grâce à l’utilisation de modèles computationnels. Nous présenterons dans un premier temps une approche neuro-computationnelle des fluctuations de l’humeur chez le sujet sain, ainsi que des pistes visant à combler le fossé entre l’étude de l’humeur au laboratoire celle de fluctuations de l’humeur normales et pathologiques en vie réelle. Puis, nous présenterons une approche computationnelle de la motivation et de ses troubles, caractérisant notamment les effets de la dépression sur la sensibilité à la récompense et à l’effort.

12h10 - 12h30
Table-ronde avec les intervenants

13h30 - 14h
Samuel Lépine, Maître de Conférence en philosophie, Université Clermont-Auvergne

Mauvaises humeurs et dépression
La dépression est souvent assimilée à un trouble de l’humeur, mais on souligne aussi couramment qu’il ne suffit pas d’être d’humeur triste pour traverser une dépression. Dans cette conférence, je souhaiterai m’interroger sur la nature des humeurs, et des mauvaises humeurs en particulier, avant d’analyser les liens qui peuvent se tisser entres les mauvaises humeurs (et en particulier les humeurs tristes), et la dépression. Je montrerai dans un premier temps qu’il existe dans la littérature deux conceptions opposées de l’humeur, l’une considérant que les humeurs sont des états mentaux représentationnels portant sur des objets, et l’autre considérant au contraire que les humeurs sont des états purement phénoménaux, qui ne porteraient sur aucun objet, et seraient par conséquent dépourvus de contenu représentationnel. Je défendrai une théorie alternative, la théorie attitudinale des humeurs, qui met l’accent sur le caractère prospectif des humeurs, et sur la manière dont celles-ci nous permettent d’évaluer ce que Nesse nomme la « propiciosité » des situations. J’examinerai à partir de là quels types de dérèglement des humeurs sont susceptibles d’engendrer des états tels que la dépression, et sous quelles conditions il est possible d’envisager de tels états comme des états authentiquement pathologiques.

14h20 - 14h50
Julien Bernard, Maître de Conférences en sociologie, Université Paris-Nanterre

Les émotions en sociologie : du pluralisme théorique et terminologique à l’idée de construction sociale
Du déterminisme social aux théories de l’action, en passant par l’interactionnisme ou le pragmatisme, les cadres d’analyses sociologiques s’intéressent tous à la question des émotions humaines. Après la présentation de ces courants, on soutiendra que leurs différences révèlent différentes facettes des phénomènes émotionnels que reflètent pour partie certaines catégorisations terminologiques. En raison de leur caractère protéiforme, l’étude des émotions en sociologie pose différents problèmes méthodologiques qui n’interdisent pas cependant une approche unifiée de la genèse et de la dynamique des émotions dans la vie sociale.

15h10 - 15h40
Jerome Wakefield, Professeur d'Université en philosophie, New York University
Depressive Disorder as a Harmful Dysfunction of Sadness: Objections and Diagnostic Challenges
The harmful dysfunction analysis (HDA) of the concept of medical, including mental, disorder is the most widely cited view in the psychiatric and psychological literature for distinguishing normal distress from pathological emotion. However, philosophers have been skeptical of the HDA’s evolutionary interpretation of dysfunction and its understanding of harm in terms of social values. A
recent volume of critical reflections on the HDA by 13 philosophers along with my in-depth replies, Defining Mental Disorder: Jerome Wakefield and His Critics, edited by Luc Faucher and Denis Forest, aired a great many objections to the HDA. In this talk I first consider some basics about the medical model, the HDA, and the nature of emotion. I then review several of the many objections posed in the Critics book, placing them within the framework of the distinction between normal sadness and depressive disorder, and consider how I responded or how one might respond to each objection. Additionally, I consider the practical limitations in drawing this distinction in clinical practice due to the nature of emotions such as sadness and the elusiveness of evolutionary understanding of human biological design.

16h - 16h20
Table-ronde avec les intervenants

 

Affiche
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