Philbio : "La vie nue". La signification vitale de la nutrition chez Claude Bernard
Nous aurons le plaisir d'accueillir Cécilia Bognon-Küss (Maîtresse de Conférences, Histoire et Philosophie des Sciences Biologiques et Médicales, Sorbonne Université, Laboratoire SND UMR 8011).
L'objectif de cette présentation est d'élucider la signification vitale et le rôle stratégique de la nutrition dans la "philosophie biologique" de Claude Bernard, au sens qu'Auguste Comte donnait à cette expression, c'est-à-dire la partie théorique de la biologie. Je propose que la perspective nutritive de Claude Bernard sur la vie doit être considérée comme un "objet d'interface" ("interfield object"), selon la catégorie de Holmes. Non seulement la nutrition relie des disciplines comme la physiologie et la chimie organique, ainsi que des niveaux d'investigation allant de la physiologie spéciale au niveau de l'organisme total, en passant par la cellule et le protoplasme, mais elle constitue également le fondement génétique et structurel des deux axiomes fondamentaux bernardiens de la physiologie générale : la complémentarité nécessaire de la destruction et de la création (1) et l'uniformité de cette loi physiologique dans toutes les formes de vie, qu'il s'agisse des plantes ou des animaux (2). Parce que la théorie nutritive de Bernard est un pivot majeur de la remise en ordre de la vie et de sa caractérisation, je soutiens qu'elle doit être située et comprise dans le contexte scientifique et métaphysique de son époque, dont il se veut à la fois l'héritier et le rival - ce que je propose de caractériser comme "l'espace épistémique" de la nutrition, sur le fond duquel Bernard construit sa propre " logique". J'expose ensuite cette "logique" bernardienne de la nutrition, en me concentrant sur trois thèses interdépendantes : l'établissement de la théorie de la nutrition indirecte comme fondement de la notion de "milieu intérieur" ; la conception de la nutrition comme une génération continuée ; l'accent mis sur la nutrition comme moyen de remodeler la relation forme/matière.